8 janvier 2015

Trouver les mots.

Hier, je suis restée sans voix. Tremblante. Choquée. Des larmes sont montées. De l'incompréhension. Ce n'était pas possible.
 
Et puis, cette confirmation terrible. Si, plusieurs personnes armées sont bien entrées au siège de Charlie Hebdo et ont abatu douze personnes dont de grands dessinateurs, des gens dont on croise la voix au détour d'un blog, d'un journal, d'une image partagée sur un réseau, depuis des années.
 
Je me souviens, il y a deux ans (trois ?), à la foire du Livre de Brive, il y avait une rétrospective spéciale sur Charlie Hebdo et de nombeux journalistes et illustrateurs étaient là. Déjà, une importante présence policière. "On" craignait des dérapages, des débordements, des attentats.
Comment vit-on quand on reçoit des menaces de mort alors qu'on est caricaturiste ? Comment accepter d'être protéger alors que, finalement, on ne donne que son point de vue sur l'actualité de manière satirique, pour dire les choses, mais en essayant de faire sourire ?
 
Je ne sais pas mais je trouve ça terrible.

Chez mes parents et donc, chez moi quand j'habitais chez eux, il y avait toujours un exemplaire de Charlie Hebdo qui traînait quelque part. Même si je ne lisais pas tout, même si je n'aimais pas tout, même si je ne riais pas à tout, ça faisait partie de mon paysage quotidien, comme un rappel pour ne pas oublier de prendre du recul sur les évènements, d'essayer de voir les choses sous plusieurs points de vue, de croiser les sources d'information pour ne pas gober toute cru la première info offerte au peuple ignorant.
 
Est-ce que la situation me semblerait moins terrible s'il n'y avait pas Cabu ? Je ne pense pas. Mais Cabu, c'est le genre de personne qu'on a l'impression de connaître. Quelqu'un qui est entré dans nos vies sans rien dire, un peu timide, pour laisser s'exprimer dans ses dessins toute la malice et l'intelligence qui le caractérisait. Pour moi, ça a été au Club Dorothée, comme beaucoup de gens de mon âge. Il ne disait rien. Il souriait. Et puis il dessinait, et c'était fun.
J'ai lu aussi Le Grand Duduche, avec toute cette poésie de la jeunesse, très juste, très fine.
Et, en vieillissant, il y a eu aussi ses dessins plus politiques. Et chaque fois, j'ai l'impression de cette voix qui nous dit "tu vois, c'est comme ça que je vois le monde, moi". Et je trouve ça très riche.
 
Alors, ce massacre qui nous touche tous (j'ai lu quelque part : "12 morts, 66 millions de blessés" et je trouve ça très juste), il nous prive de ces voix.
 
Ma fille m'a demandé ce matin si ce que j'écrivais ne risquait pas de me mettre en danger. Elle voulait que je la rassure, que je lui dise que je ne craignais rien.
Moi, ça m'a fait un électrochoc. Je ne suis pas un auteur engagé politiquement, même si je ne cache pas mes opinions dans mes textes et les thèmes abordés. Je ne suis pas quelqu'un qui risque grand chose en écrivant. Mais je devrais peut-être le devenir.
 
Ou, en tout cas, me battre plus clairement avec mes propres armes.
 
Et ça, c'est une promesse.
 
 
 

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